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Page:Vigneron - Portraits jaunes, 1896.pdf/40

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PORTRAITS JAUNES

à Pékin, la Chine a eu quinze changements de dynasties et quinze effroyables guerres civiles.

Au milieu de ce peuple sceptique et cupide, il existe un germe puissant et vivace que le gouvernement n’a jamais pu extirper : il est dans l’empire des sociétés secrètes dont les affiliés voient avec impatience la domination mandchoue et nourrissent le projet d’un renversement de dynastie, pour arriver à un gouvernement national, c’est-à-dire vraiment chinois[1].

Ces mécontents sont prêts pour la lutte et déterminés à appuyer toute révolte, de quelque part qu’en vienne le signal, même s’il vient de l’étranger, et je m’imagine que la défaite de Pin-Yang, comme le désastre naval qui l’a suivie, pourront avoir un grand retentissement en Chine. Nous allons bien voir si les efforts combinés du vice-roi Ly-Hung-Chang et du prince Kong parviendront à arrêter la marche triomphale du maréchal japonais Yamagata, sinon la dynastie tartare a probablement vécu[2].

L’infériorité des Chinois dans la guerre actuelle ne nous surprend nullement ; s’ils peuvent, à un moment donné, être des révoltés et des conspirateurs, ils ne sont pas soldats. Sans doute, dans les villes importantes de chaque province, on voit une garnison de soldats mandchous, commandés par un grand mandarin militaire de cette nation kiang-kiun ; sans doute l’almanach officiel donne pour l’armée un total de un million et deux cent ou trois cent mille hommes, avec trente à trente-cinq mille marins ; pourtant j’ai parcouru le Céleste-Empire sans voir presque aucun spectacle militaire. Il y a les fameux trente mille braves du Pé-tché-ly, la cavalerie tartare et l’artillerie de la garde, la flotte cuirassée. Où sont-ils tous maintenant ?

Quant au reste, à la tourbe des milices, je ne puis m’empêcher de penser à ce que nous en raconte le P. Huc, dans un désopilant chapitre de son inimitable livre[3]. Il décrit une revue à laquelle il assista, et dont ses deux domestiques faisaient partie active.

  1. L’Empire chinois. Voir aussi Associations de la Chine, par le P. Leboucq.
  2. Ceci était écrit pendant la guerre sino-japonaise.
  3. L’Empire chinois.