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ALFRED DE VIGNY

seulement pour lui un art plus parfait, plus difficile. Son honnêteté intellectuelle lui reprochait même le mensonge de la rime qui fait dévier la pensée : « Lorsqu’on fait des vers en regardant une pendule, on a honte du temps que l’on perd à chercher une rime qui ait la bonté de ne pas trop nuire à l’idée. » Serait-ce un blasphème d’insinuer que les poèmes philosophiques de Vigny auraient pu, auraient dû peut-être, être écrits en prose ? Vigny n’est pas un poète, au sens spontané du mot ; le vers ne s’impose pas à sa pensée ; il le lui impose. Baudelaire, qui descend de Vigny, littérairement, sera, lui aussi, un poète philosophe qui imposera le vers et le rythme à sa pensée.

On trouvera dans ce volume l’essentiel de l’œuvre de Vigny ; presque tous ses poèmes, car ce grand poète a écrit peu de vers ; — les épisodes les plus célèbres de ses trop longs romans, Cinq-Mars et Stello, et un fragment de Daphné, ouvrage auquel il pensa et travailla longtemps, mais qui n’est pas au point : — les pages les plus caractéristiques et vraiment d’une gravité très belle de Grandeur et Servitude militaires ; — une comédie psychologique qui précéda et inspira le théâtre de Musset : Quitte pour la peur, théâtre de bon ton où l’on est un peu surpris d’entendre parler d’une façon si pure et si nuancée, aujourd’hui où les pièces de théâtre semblent écrites par des domesti-