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Page:Vigny - Journal d’un poète, éd. Ratisbonne, 1867.djvu/142

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ALFRED DE VIGNY

bois de chênes, d’ormes, de frênes, et de vertes prairies rafraîchies par des fontaines et des sources pures. Les rentes féodales et les prises seigneuriales lui donnaient beaucoup de valeur et épargnaient presque toute culture. On se promenait à l’ombre des bois et au bord des eaux ; le revenu arrivait tout seul. — La Révolution vient et fait la soustraction de tout revenu. Il me reste donc de grands bâtiments et un grand parc à entretenir, et des bois que je n’ai pas le courage de couper parce que les vieux arbres ressemblent à de grands parents, et que leur absence ôterait tout charme à l’habitation.

Si tout cela, du reste, ne rapporte rien, il y a un dédommagement : c’est que les impositions en sont énormes et me donnent le droit d’être député. — Or c’est justement ce que je ne veux pas être. Mon âme et ma destinée seront toujours en contradiction. — C’était écrit.

Cette terre est une sorte de cheval que je nourris chèrement et que je monte une fois en sept ans.

———

Le 7, mercredi. — Je reçois la nouvelle de la perte de mon beau-père. Dans la crainte qu’elle ne tombe malade ici, où je suis