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LES DESTINÉES.


Détachant les nœuds lourds du joug de plomb du Sort,
Toutes les Nations à la fois s’écrièrent :
« O Seigneur ! est-il vrai ? le Destin est-il mort ? »

Et l’on vit remonter vers le ciel, par volées,
Les filles du Destin, ouvrant avec effort
Leurs ongles qui pressaient nos races désolées ;

Sous leur robe aux longs plis voilant leurs pieds d’airain,
Leur main inexorable et leur face inflexible ;
Montant avec lenteur en innombrable essaim,

D’un vol inaperçu, sans ailes, insensible,
Comme apparaît au soir, vers l’horizon lointain,
D’un nuage orageux l’ascension paisible.