Et moi je l’ai quitté sans avoir répondu,
De peur qu’Emmanuel n’eût longtemps attendu[1]. »
Puis tous deux embrassés, ils se dirent ensemble :
« Ah ! louons l’Éternel, il punit, mais rassemble ! »
Le tonnerre grondait ; et tous deux à genoux
S’écrièrent alors : « Ô Seigneur, jugez-nous ! »
II
Tous les vents mugissaient, les montagnes tremblèrent.
Des fleuves arrêtés les vagues reculèrent,
Et du sombre horizon dépassant la hauteur.
Des vengeances de Dieu l’immense exécuteur,
L’Océan apparut. Bouillonnant et superbe,
Entraînant les forêts comme le sable et l’herbe,
De la plaine inondée envahissant le fond.
Il se couche en vainqueur dans le désert profond[2],
Apportant avec lui comme de grands trophées
Les débris inconnus des villes étouffées.
Et là bientôt plus calme en son accroissement.
Semble, dans ses travaux, s’arrêter un moment,
Et se plaire à mêler, à briser sur son onde
Les membres arrachés au cadavre du Monde.
- ↑ Var : P2, Parce que plus longtemps tu m’aurais attendu.
- ↑ Byron, C. et T., sc. 3 : On fuirons-nous ? Pas sur les hautes montagnes, car maintenant leurs torrents se ruent, avec un double mugissement, à la rencontre de l’océan, qui, avançant toujours, étreint déjà et submerge chaque colline, et ne laisse pas de caverne qu’il ne fouille… Les océans en furie rompent toute barrière, jusqu’à ce que les déserts mêmes ne connaissent plus la soif.