N’es-tu pas, Lesbienne, à Lesbos étrangère ?
Athène a vu longtemps s’accroître ta beauté,
Et, depuis que trois fois t’éclaira son été,
Ton front s’est élevé jusqu’au front de ta mère ;
Ici, loin des chagrins de ton enfance amère,
Les Muses t’ont souri. Les doux chants de ta voix
Sont nés Athéniens ; c’est ici, sous nos bois.
Que l’amour t’enseigna le joug que tu m’imposes ;
Pour toi mon seuil joyeux s’est revêtu de roses[1].
« Tu pars ; et cependant m’as-tu toujours haï,
Symétha ? Non, ton cœur quelquefois s’est trahi ;
Car, lorsqu’un mot flatteur abordait ton oreille,
La pudeur souriait sur ta lèvre vermeille ;
Je l’ai vu, ton sourire aussi beau que le jour ;
Et l’heure du sourire est l’heure de l’amour[2].
Mais le flot sur le flot en mugissant s’élève,
Et voile à ma douleur le vaisseau qui t’enlève ;
C’en est fait, et mes pieds déjà sont chez les morts ;
Va, que Vénus du moins t’épargne le remords[3] :
Lie un nouvel hymen ! va ; pour moi, je succombe
Un jour, d’un pied ingrat tu fouleras ma tombe,
Si le destin vengeur te ramène en ces lieux
Ornés du monument de tes cruels adieux ».
— Dans le port du Pirée, un jour fut entendue[4]
- ↑ Chénier, Néère (éd. de 1819) :
Soit qu’aux bords de Pœstum, sous ta soigneuse main,
Les roses deux fois l’an couronnent ton jardin… - ↑ Comparer, dans Millevoye, le refrain de la romance d’Éginard ;
Heure du soir est aurore d’amour.
- ↑ Var : P1, A-C2, les remords :
- ↑ Var : P1, C3, du Pyrée A, de Pyrée B, de Pirée