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poèmes antiques et modernes

XVII

Hélas ! deux mousses d’Angleterre
Me sauvèrent alors, dit-on,
Et me voici sur un ponton ; —
J’aimerais presque autant la terre !
Cependant je respire ici
L’odeur de la vague et des brises.
Vous êtes marins, Dieu merci !
Nous causons de combats, de prises,
Nous fumons, et nous prenons l’air
Qui vient aux sabords de la mer.
Votre voix m’anime et me flatte,
Aussi je vous dirai souvent :
— « Qu’elle était belle, ma Frégate,
Lorsqu’elle voguait dans le vent[1] ! »


À Dieppe, 1828.



    Anglais et exécuté. » (p. 93). — Et voici le rapport du capitaine Martin lui-même. Après avoir exposé comment la frégate canonnée par l’Orion, et percée à la flottaison par nombre de boulets, coula à fond à 4 brasses et demie d’eau, il continue ainsi : « Cependant le pavillon tricolore flottait encore à bord de la frégate. Le peu d’équipage qui me restait, au nombre de 60, s’était retiré avec moi sur le gaillard d’arrière. Dans cette situation, notre seule espérance était fondée sur les secours que nous attendions de nos frères d’armes. Le lendemain 15 [thermidor ], à trois heures du matin, un canot vint à nous. Je le hêlai ; l’officier qui y était me dit être anglais, et que son capitaine l’avait envoyé pour nous donner tous les secours que notre position réclamait, mais qu’au préalable il exigeait que le pavillon fût amené, et qu’en cas de refus il devait nous déclarer qu’on allait recommencer de tirer sur nous pour nous détruire entièrement. Il ajouta à cette sommation que six vaisseaux de l’avant-garde s’étaient rendus… D’une part me voyant sans défense, et de l’autre considérant que l’ennemi ne pourrait point profiter de la frégate par l’impossibilité qu’il y aurait de la mettre à flot, je demandai à parlementer, et j’obtins que l’état-major et le restant de l’équipage seraient mis à terre en liberté, et que moi seul resterais prisonnier. » (Arch. Mar., BB4, 126, cité par C. de la Jonquière, L’expédition d’Égypte, 1789-1801, Paris, s. d., Il, p. 418).

  1. Var : A, sous le vent !