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paris

Qu’il s’attache avec feu, comme l’œil du serpent
Qui pompe du regard ce qu’il suit en rampant,
Tourne sur le donjon qu’un parapet prolonge,
D’où la vue à loisir sur tous les points se plonge
Et règne, du zénith, sur un monde mouvant
Comme l’éclair, l’oiseau, le nuage et le vent.
Que vois-tu dans la nuit, à nos pieds, dans l’espace.
Et partout où mon doigt tourne, passe et repasse[1] ?



— « Je vois un cercle noir, si large et si profond
» Que je n’en aperçois ni le bout ni le fond.
» Des collines, au loin, me semblent sa ceinture,
» Et pourtant je ne vois nulle part la nature,
» Mais partout la main d’homme et l’angle que sa main
» Impose à la matière en tout travail humain.
» Je vois ces angles noirs et luisants qui, dans l’ombre,
» L’un sur l’autre entassés, sans ordre ni sans nombre,
» Coupent des murs blanchis pareils à des tombeaux.
» — Je vois fumer, brûler, éclater des flambeaux,
» Brillants sur cet abime où l’air pénètre à peine


    « Parmi ce peu de personnes que les convulsions politiques ont laissées sensibles aux charmes de la littérature, on parle beaucoup d’un petit poème, d’une composition tout à fait originale, intitulé : Montmartre. Si nous ne craignions de commettre une indiscrétion, nous ferions connaître le nom de l’auteur, jeune officier qui remplit déjà toutes les espérances qu’il a fait concevoir à ses amis, et dont la réputation naissante ne tardera pas à devenir de la célébrité. Nous n’osons donner notre opinion sur ses ouvrages ; ce n’est pas notre habitude de louer sans mesure, et nous nous contentons de prédire qu’on y trouvera la poésie d’André Chénier et l’originalité de Lord Byron. » Dans la même livraison se trouvait l’article signé A. de V. sur les Œuvres complètes de Lord Biron, qui est la première trace de la collaboration de Vigny au Conservateur.

  1. Entre les vers 12 et 13 : D, ni blanc ni filet.