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Page:Vigny - Poèmes antiques et modernes, éd. Estève, 1914.djvu/71

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L’Éther a ses degrés, d’une grandeur immense,
Jusqu’à l’ombre éternelle où le Chaos commence[1][2].
Sitôt qu’un Ange a fui l’azur illimité[3],
Coupole de saphirs qu’emplit la Trinité[4],
Il trouve un air moins pur ; là passent des nuages,
Là tournent des vapeurs, serpentent des orages.
Comme une garde agile, et dont la profondeur
De l’air que Dieu respire éteint pour nous l’ardeur.
Mais après nos soleils et sous les atmosphères
Où, dans leur cercle étroit, se balancent nos sphères,
L’espace est désert, triste, obscur, et sillonné
Par un noir tourbillon lentement entraîné.
Un jour douteux et pâle éclaire en vain la nue[5],
Sous elle est le Chaos et la nuit inconnue[6] ;


    sein des ténèbres pour éblouir mes yeux. — p. 48 : comme les nuages d’automne qui retiennent les éclairs prêts à s’échapper de leurs flancs pour laisser briller une jeune étoile.

  1. Milton, P. P., III, 501 : [Satan] découvre au loin un grand édifice qui par des degrés magnifiques s’élève jusqu’à la muraille du Ciel… Les degrés étaient semblables à ceux par lesquels Jacob vit monter et descendre des Anges… Chaque degré était un mystère…
  2. Var : M, 1er main, Jusqu’aux lieux où du mal l’obscurité commence. 2e main, texte actuel.
  3. Var : M, 1er main, Lorsqu’un ange a quitté 2e main, texte actuel.
  4. Milton, P. P., II, 1034 : Mais enfin l’influence sacrée de la lumière commence à se faire sentir, et des murailles du Ciel elle pousse au loin dans le sein de l’obscure nuit une lueur d’aurore. Ici la Nature commence par son extrémité la plus lointaine, et le Chaos se retire… Satan, avec moins de fatigue, glisse sur les vagues apaisées… [Il contemple] les tours d’opale et les créneaux ornés de vivants saphirs, jadis sa demeure natale. — VI, 757 : Au-dessus de leurs tètes, c’est un firmament de cristal, où s’élève un trône de saphir.
  5. Var : M, Un jour douteux et jaune (corr. : pâle),
  6. Milton, P. P., III, 418 : Cependant sur le ferme globe opaque de ce monde sphérique, dont la première convexité enveloppe les orbes inférieurs lumineux, et les sépare du Chaos et de l’irruption des antiques Ténèbres, Satan se pose et marche. De loin cette convexité semblait un globe ; maintenant elle semble un continent sans bornes, sombre, désolé, sauvage, exposé à l’horreur d’une nuit sans étoiles,