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Cherche un épais refuge à ses yeux éblouis[1] ;
Il pense qu’à la fin des Temps évanouis,
Il lui faudra de même envisager son maître,
Et qu’un regard de Dieu le brisera peut-être[2] ;
Il se rappelle aussi tout ce qu’il a souffert
Après avoir tenté Jésus dans le désert.
Il tremble ; sur son cœur où l’enfer recommence[3],
Comme un sombre manteau jette son aile immense,
Et veut fuir. La terreur réveillait tous ses maux[4].



Sur la neige des monts, couronne des hameaux,
L’Espagnol a blessé l’aigle des Asturies[5],
Dont le vol menaçait ses blanches bergeries ;
Hérissé, l’oiseau part et fait pleuvoir le sang,
Monte aussi vite au ciel que l’éclair en descend[6] ;
Regarde son Soleil, d’un bec ouvert l’aspire[7],
Croit reprendre la vie au flamboyant empire[8] ;

  1. Moore, A d. A., p. 75 : Souvent, quand du front du Très-Haut s’échappait un éclair trop vif pour le supporter, et que tous les Séraphins se voilaient le visage de leurs ailes et n’osaient en contempler l’éclat…
  2. Milton, P. P., IV, 23 : Maintenant la conscience éveille [dans le cœur de Satan] le désespoir assoupi ; elle éveille l’amer souvenir de ce qu’il fut, de ce qu’il est, et pis encore, de ce qu’il lui faudra être : de pires actions doivent s’ensuivre de pires souffrances.
  3. Milton, P. P., IV, 18 : L’horreur et l’incertitude bouleversent son esprit troublé, et jusqu’au fond elles remuent l’enfer au-dedans de lui, car en lui, et tout autour de lui, il porte l’enfer.
  4. Var : M1, réveille
  5. Var : O, l’Aigle
  6. Milton, Comus : Aussi rapide que l’éclair du scintillement d’une étoile, je descendis du ciel.
  7. Moore, A. d. A., p. 62 : Encore l’amour et ses soins caressants pouvaient-ils lui apprendre à supporter cet éclat, comme les jeunes aigles supportent celui du soleil.
  8. Var : M1, à son magique (corr. : au flamboyant) empire ;