Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/125

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genoux ; vous en rirez et j’en ai ri souvent depuis en moi-même ; mais, si vous l’aviez vue, vous auriez compris ce que je dis. Elle avait l’air d’une petite fée bien bonne.

Elle parlait vite et gaiement, et, en donnant une petite tape sur la joue de Pierrette, elle nous laissa là tous les deux interdits et tout imbéciles, ne sachant que faire ; et nous vîmes les deux dames suivre l’allée du côté de Montreuil et s’enfoncer dans le parc derrière le petit bois.

Alors nous nous regardâmes, et, en nous tenant toujours par la main, nous rentrâmes chez monsieur le curé ; nous ne disions rien, mais nous étions bien contents.

Pierrette était toute rouge, et moi je baissais la tête. Il nous demanda ce que nous avions ; je lui dis d’un grand sérieux :

« Monsieur le curé, je veux être soldat. »

Il pensa en tomber à la renverse, lui qui m’avait appris le solfège !

— « Comment, mon cher enfant, me dit-il, tu veux me quitter ! Ah ! mon Dieu ! Pierrette, qu’est-ce qu’on lui a donc fait, qu’il veut être soldat ? Est-ce que tu ne m’aimes plus, Mathurin ? Est-ce que tu n’aimes plus Pierrette, non plus ? Qu’est-ce que nous t’avons donc fait, dis ? et que vas-tu faire de la belle éducation que je t’ai donnée ? C’était bien du temps perdu assurément.