Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/273

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lentes de cette âme bonne et simple, toujours repoussée dans ses donations expansives d’elle-même, toujours écrasée par un ascendant invincible, mais parvenue à trouver le repos dans le plus humble et le plus austère Devoir. — Sa vie inconnue me paraissait un spectacle intérieur aussi beau que la vie éclatante de quelque homme d’action que ce fût. — Chaque vague de la mer ajoute un voile blanchâtre aux beautés d’une perle, chaque flot travaille lentement à la rendre plus parfaite, chaque flocon d’écume qui se balance sur elle lui laisse une teinte mystérieuse à demi dorée, à demi transparente, où l’on peut seulement deviner un rayon intérieur qui part de son cœur ; c’était tout à fait ainsi que s’était formé ce caractère dans de vastes bouleversements et au fond des plus sombres et perpétuelles épreuves. Je savais que jusqu’à la mort de l’Empereur il avait regardé comme un devoir de ne point servir, respectant, malgré toutes les instances de ses amis, ce qu’il nommait les convenances ; et, depuis, affranchi du lien de son ancienne promesse à un maître qui ne le connaissait plus, il était revenu commander, dans la Garde Royale, les restes de sa vieille Garde ; et comme il ne parlait jamais de lui-même, on n’avait point pensé à lui et il n’avait point eu d’avancement. — Il s’en souciait peu, et il avait coutume de dire qu’à moins