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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

notés comme des sujets possibles à la suite de ses lectures, surtout lorsqu’il se documente pour Daphné.

Le 12 février 1834, Vigny retirait la Maréchale d’Ancre du théâtre de la Porte-Saint-Martin où l’on avait songé, en effet, à offrir une nouvelle carrière à la pièce. Elle fut reprise aux Français et jouée huit fois avec Mme Dorval dans le rôle principal, pendant l’été de 1840. Ses réapparitions à la rampe ont été rares : signalons celle qui l’a fait donner en avril 1897, à l’Odéon, pour le centenaire de Vigny.


QUITTE POUR LA PEUR.

Cet audacieux marivaudage fut écrit à l’intention de Mme Dorval pour sa représentation de bénéfice du 30 mai 1833, à l’Opéra, « cadre trop grand pour cette miniature ». Son point de départ est une de ces anecdotes que le xviiie siècle a passées au xixe : que ce soit Chamfort qui l’ait fournie à Vigny (Potez, Mercure de France, 16 janvier 1909), ou Collé (Trop est trop) ou Bezenval (G. Maurevert, Le Livre des plagiats, 1923, p. 278), ou Balzac (Physiologie du mariage, Médit. XXVII), ou qu’il l’ait entendu raconter à la princesse de Béthune un soir (Journal d’un Poète, p. 61), elle fut, assure l’auteur, « écrite en un jour », le 1er mai 1833. La comédie d’Imbert, Le Jaloux sans amour (1781), offre l’analogie d’un titre plutôt que d’une situation.

Vigny a attribué une importance de fond à une bleuette qui se servait d’une forme connue (la Revue de Paris publia en 1829 des « proverbes » ; le genre, d’ailleurs, a sa tradition avant Musset) : « Bagatelle, dira Vigny le 8 août 1848, mais le fond en est plus grave que vous ne pensez. Il est bon de corriger des Othello sans amour,… et de montrer une vengeance de bon goût, qui est en même temps une noble et généreuse protection, un pardon, et une réparation. »

Les lignes inédites suivantes achèvent de nous renseigner :

Si cette petite pièce pouvait occuper la moindre place en littérature, ce serait celle que tient dans l’atelier d’un Peintre une esquisse au Pastel dans le goût de Boucher et de Vateau, une sorte d’ébauche faite en deux soirées et entre deux grands tableaux, pour représenter en quelques traits un tems effacé et des mœurs perdues.
La femme adultère de 1778 n’avait à craindre ni le poignard du moyen âge ni le sabre vengeur du garde national outragé de 1832. C’était un de ces tems de confusion religieuse et morale où les hommes n’ont plus pour guides que leurs sentimens individuels d’honneur ou de bonté. Les dehors seulement sont respectés alors et ce que l’on nomme les convenances. (Manuscrit de la pièce.)