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le dernier des navailles

— Je te comprends de moins en moins.

— Je vais m’expliquer : prête-moi toute ton attention.

Le comte se renversa dans son fauteuil, croisa les bras sur sa poitrine, et attendit.

— Il est bien évident, reprit l’officier, que tu ne consentiras point à vivre avec le revenu de tes cinquante mille francs.

M. de Navailles eut un sourire sardonique.

— De même, poursuivit son ami, que tu ne te sens aucune disposition pour faire fructifier ton argent, soit par le commerce, soit par l’agiotage.

— Je te l’ai déjà dit, je ne suis bon à rien ; c’est pourquoi j’ai résolu de quitter cette vie qui ne peut plus m’offrir que des souffrances.

— Et moi, je ne veux pas que tu meures.

— Comment t’y prendras-tu pour m’en empêcher ?

— Je te rendrai une fortune double de celle que tu as si follement gaspillée.

Le comte regarda son ami comme s’il eût douté d’avoir bien entendu.

— Mon Dieu ! oui, continua ce dernier ; et c’est pour cela que je te demandais tout à l’heure si tu avais l’âme bien trempée. C’est que, vois-tu, si l’affaire que j’ai à te proposer peut donner des bénéfices inespérés, elle offre de réels dangers. J’eusse préféré te voir accepter avec plus de résignation ta pauvreté, mais puisqu’il en est autrement, aux grands maux les grands remèdes !

— Achève, dit brièvement le comte ; où veux-tu en venir ?

— À ceci : l’année dernière, me trouvant en mission