Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/109

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compilation de faits analysés et réunis par un ti pénétrant et si laborieux génie ; et si l’illustre Cuvier donnait à Aristote l’honneur d’avoir inventé la science de l’Anatomie comparée, je ne doute pas que dans l’ordre moral, cet autre ouvrage ne parût, aux yeux mêmes de notre temps, renfermer les bases fondamentales de l’anatomie comparée des États, et qu’on ne s’aperçut que ce jeune univers de la civilisation antique, composé de la Grèce, de la péninsule italique, de quelques contrées de l’Asie, de quelques côtes de l’Afrique, avait déjà conçu, échangé, épuisé toutes les combinaisons politiques par où passe la savante Europe, et que menace de lui ôter un jour la terrible simplification du pouvoir militaire. H n’est pas Jusqu’aux rêveries, aux spéculations de nos jours sur la parfaite égalité des hommes, sur la promiscuité des biens qui ne dussent se rencontrer dans cet ouvrage, non plus sous forme d’utopies conjecturales, comme en avait imaginées Phaléas, et d’autres écrivains cités ailleurs par Aristote, mais sous des applications effectives et plus ou moins durables.

Pour ajouter à nos regrets d’une telle perte, tout fait croire que l’ouvrage d’Aristote avait subsisté jusqu’à la veille de la Renaissance et de la pleine activité du monde moderne, qu’il se conservait aux derniers jours de l’empire grec, et était même connu depuis longtemps des vainqueurs, moins ignorants que fanatiques, qui précipitèrent la ruine de ce débile empire. Aussi, lorsque dans le siècle dernier, le gouvernement de la France, avec une libéralité digne des exemples de Louis XIV, faisant servir à la science le protectorat politique, envoyait dans le Levant à divers intervalles l’abbé Galland, Fourmont, Sevin, etc., cet objet de recherches fut grandement recommandé aux doctes voyageurs. On le promit, on l’espéra sur quelques indices fort douteux, tels que la mention d’une ancienne bibliothèque des empereurs grecs conservée, dit-on, dans un coin du sérail, et d’après d’autres récits plus ou moins trompeurs, espèce de mirage qui amusait la soif érudite de nos chercheurs de manuscrits orientaux ou grecs.

Une conjecture du moins fut confirmée, c’est que le livre des Républiques (en iM.tTtmt), eût-il irrévocablement péri dans le texte original, devait se retrouver dans une de ces traductions arabes, qu’après Omar et les premières fureurs de l’islamisme, les