Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/134

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près d’être justifié par le bonheur de la patrie ! Alors, plein d’espérance, il écrivait à son élève ; qui, suivant l’expression de Saint-Simon, jouissait d’un avant-règne : « Il ne faut pas que tout soit à un seul mais un seul doit être à tous pour faire leur bonheur. » Il communiquait en même temps à Beauvilliers divers plans d’administration et de gouvernement, qui devaient être proposés au jeune prince. Une des idées à laquelle Fénelon attachait le plus d’importance était la formation d’états provinciaux dans toute la France. Cette institution, qui donne une liberté moins grande et moins noble que la représentation législative, aurait, dans l’origine, épargné bien des maux à la France.

Tandis que Fénelon préparait le règne de son élève, une mort soudaine enleva le jeune héritier du vieux roi, qui demeurait inébranlable parmi toutes les humiliations de sa gloire et tous les désastres de sa famille. Là finirent les espérances de la vertu : cependant, Fénelon, malgré sa douleur, n’abandonnait pas le soin de la patrie, même lorsqu’il ne vit plus entre elle et lui le jeune prince qu’il avait élevé pour elle. Inquiet de la France, dont la destinée reposait sur un monarque de soixante-seize ans et sur un enfant au berceau, il aurait voulu prévenir les maux d’une inévitable et longue minorité. Dans plusieurs mémoires confidentiels qu’il écrivit à ce sujet, on reconnait la nouveauté de ses vues politiques et cet esprit de liberté qui, dans son siècle, n’était pas la moindre de ses innovations. Un de ces écrits est employé à discuter les soupçons qui accusaient le duc d’Orléans du crime le plus affreux et d’une ambition impatiente d’en commettre de nouveaux. Quand on a lu ce mémoire, dont l’auteur, sans accueillir toute l’horreur des bruits populaires, juge sévèrement les scandales et les vices du duc d’Orléans, on éprouve quelque surprise de voir Fénelon entretenir