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LE TEMPS

succès nous causoient à tous deux une mortelle douleur. Il ne me cachoit point la sienne, parce qu’il n’ignoroit pas la façon dont je pensois : mais la Reine ne pouvant supporter celle qu’elle ressentoit de cet affreux procédé, y succomba, & mourut sans voir la fin de cette malheureuse guerre, qui ne cessa qu’au bout de trois ans, par la prise de l’Usurpateur.

Aussi-tôt qu’il fut hors d’état de me nuire, ma colere cessa ; oubliant qu’il étoit mon ennemi, je sentis plus que jamais que c’étoit mon fils, & un fils aussi cher que si je n’avois pas eu de sujet de m’en plaindre. Je fus le voir dans le Fort où je le tenois prisonnier. Ce fut moi qui fis toutes les avances de la réconciliation, lui offrant des conditions si favorables, que je ne pouvois douter qu’il ne les acceptât : mais ce jeune téméraire les refusa dédaigneusement, & me parut si irrité contre son cadet, que je ne crus pas prudent de lui laisser à la main des armes, qu’il n’employeroit certainement qu’à sa perte. Ainsi je continuai à donner tous mes soins pour qu’il fût gardé sûrement, résolu de faire durer sa prison assez de temps pour avoir celui de donner à son frere un établissement qui le rendît indépendant de son pouvoir. J’assemblai les Etats de mon