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LE TEMPS

jours, voulant faire son frere mon unique héritier. Ces dangereux & faux avis lui inspirerent une nouvelle fureur : il trouva le moyen de s’échapper, & devenir m’attaquer jusques dans mon Palais. Mais le désespoir le préoccupant trop, il s’y laissa emporter sans aucunes précautions ; & mes Gardes, s’opposant à son passage, l’arrêterent de nouveau, malgré les coups épouvantables qu’il leur porta, & dont plusieurs furent les victimes.

Ce nouvel attentat mettant malgré moi des bornes à ma tendresse, me força de le traiter en Maître ; &, affectant un air irrité, que mon cœur désavouoit, je voulus lui parler d’un ton sévere ; mais ce désespéré me regardant d’un œil farouche : Je sais, me dit-il, que je mérite la mort, & que je vous donne, par cette derniere action, un nouveau droit de me sacrifier à mon frere : rien ne doit vous retenir ; il possede votre cœur, & va bientôt posséder votre Empire ; il dépend de vous de lui livrer l’un, après lui avoir donné l’autre ; je ne vois que trop que je ne puis l’empêcher, tous les efforts que j’ai faits pour cela ont été vains. Mais, ajouta-t-il fiérement, ce qui dépend de moi, c’est de ne pas vivre plus longtemps son Sujet ni le vôtre.