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ET LA PATIENCE.

faire en quelque sorte l’impatience qu’elle témoignoit de savoir leur destinée, l’esclave lui apprit qu’avec plus de deux mille autres, ils étoient changés en moutons, en bœufs, en chevreuils, & autres bêtes, tant fauves que domestiques ; que les freres avoient la premiere figure ; que le Géant, leur Maître, étoit un fameux Magicien, qui les transformoit ainsi par ses enchantements, pour lui servir de pâture, aimant mieux la chair humaine déguisée, que celle des animaux qu’ils représentoient. Merille lui demanda pourquoi il prenoit la peine de les transformer, puisqu’il lui seroit plus facile de les manger sans façon, sous leurs figures naturelles : mais la vieille lui répondit qu’elle ignoroit les raisons qui l’obligeoient d’en agir de la sorte.

Cette triste connoissance du sort de ses freres causa à la malheureuse Merille une si sensible affliction, qu’elle n’y put résister, & qu’elle s’évanouit, ne revenant de cette triste situation que pour s’abandonner au désespoir & à l’affreuse réflexion qui se présentoit sur le sort des Princes d’Angole, de Zelima, & de l’infortunée Balkir ; mais le danger où elle ne doutoit point que Benga ne le précipitât pour la venir chercher, mettoit le