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LE TEMPS

de vos nouvelles ; enfin, en vous trouvant ici, j’ai été cruellement désabusé de l’amour que vous me flattiez qui étoit réciproque entre nous, puisque je n’ai plus sujet de douter que vous n’y soyez venue de votre propre volonté, sans faire attention au désespoir que vous me causeriez, ni au danger dont apparemment ces lieux sont remplis : quant à moi, je n’y venois que dans le dessein de mourir ou de sauver ma famille ; mais votre présence trop chere pour me faire plaisir dans ce lieu funeste, m’arrache tout espoir ; j’y mourrai également, & ce sera avec la triste certitude de vous y abandonner sans secours.

Hélas ! cher Prince, reprit Merille, n’ajoutez pas la douleur d’entendre vos reproches, à l’horreur de voir avancer chaque jour une mort dont j’ai le temps de goûter l’amertume ; considérez, pour ma justification, que si je vous avois moins aimé, je n’aurois pas été si effrayée de votre dessein, de que, pour le prévenir, je ne me serois point précipitée dans ce gouffre effroyable, où je n’ai pu vous empêcher de tomber.

Notre perte est certaine, mon cher Benga, continua-t-elle ; toutes les Puissances de la terre ne sont pas capables de nous