Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/183

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directeur de la poste ; puis trois personnes d’une haute influence ; puis le docteur, donnant le bras au banquier ; puis une célébrité, l’Introducteur du phylloxera en France ; puis le proviseur du lycée, et quelques propriétaires fonciers. Me Lecastelier fermait la marche, prisant, parfois, d’un air méditatif.

Ces messieurs étaient en habit noir, en cravate blanche, et montraient une fleur à leur boutonnière : madame Lecastelier, maigre, était en robe de soie couleur souris-qui-trotte, un peu montante.

Arrivés devant le portail, et à l’aspect des panonceaux qui brillaient des feux du couchant, les convives se retournèrent vers l’horizon magique : les arbres lointains s’illuminaient ; les oiseaux s’apaisaient dans les vergers voisins.

— Quel sublime spectacle ! s’écria l’Introducteur du phylloxera en embrassant, du regard, l’Occident.

Cette opinion fut partagée par les convives, qui humèrent, un instant, les beautés de la Nature, comme pour en dorer le dîner.

L’on entra. Chacun retint son pas dans le vestibule, par dignité.

Enfin, les battants de la salle à manger s’entr’ouvrirent. Percenoix, qui était veuf, s’y tenait seul, debout, affable. — D’un air à la fois modeste et vainqueur, il fit le geste circulaire de prendre place. De petits papiers portant le nom des convives étaient placés, comme des aigrettes, sur les serviettes pliées en forme de mitre. Madame Lecastelier compta du regard les convives, espérant que l’on serait treize à