Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/115

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de vous sauver !… Mais, si la guérison n’allait pas être celle que j’attends, je crois, en vérité, oui, je crois qu’il serait préférable que nous en restions là !

― Puisque vous parlez sur un ton si singulièrement grave, mon cher Edison, répondit avec effort lord Ewald, je ne puis que vous prévenir d’une chose : j’allais en finir, cette nuit même, avec mon intolérable humanité.

Edison tressaillit.

― N’hésitez donc plus, acheva très froidement le jeune homme.

― Les dés sont jetés ! murmura l’électricien : ce sera lui ! Qui m’eût dit cela, jamais ?

― Une dernière fois, soyez assez bon pour me répondre : où voulez-vous en venir ?

En cet instant de silence, lord Ewald crut sentir passer, brusquement, sur son front le vent de l’Infini.

― Ah ! s’écria, d’une voix stridente Edison, qui se leva les yeux étincelants, puisque je me sens ainsi défié par l’Inconnu, soit ! Voici. Je prétends réaliser pour vous, milord, ce que nul homme n’a jamais osé tenter pour son semblable. ― Je vous dois la vie, encore une fois : c’est bien le moins que j’essaie de vous la rendre.

Votre joie, votre être, sont, dites-vous, les prisonniers d’une présence humaine ? de la lueur d’un sourire, de l’éclat d’un visage, de la douceur d’une voix ? Une vivante vous mène ainsi, avec son attrait, vers la mort ?

Eh bien ! puisque cette femme vous est si chère… je vais lui ravir sa propre présence.

Je vais vous démontrer, mathématiquement et