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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/125

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celui qui osera le concevoir. Suggérez-lui de votre être ! Affirmez-le, d’un peu de votre foi vive, comme vous affirmez l’être, après tout si relatif, de toutes les illusions qui vous entourent. Soufflez sur ce front idéal ! Et vous verrez jusqu’où l’Alicia de votre volonté se réalisera, s’unifiera, s’animera dans cette Ombre. Essayez, enfin ! si quelque dernier espoir vous en dit ! Et vous pèserez ensuite, au profond de votre conscience, si l’auxiliatrice Créature-fantôme qui vous ramènera vers le désir de la Vie, n’est pas plus vraiment digne de porter le nom d’humaine que le Vivant-spectre dont la soi-disant et chétive « réalité » ne sut jamais vous inspirer que la soif de la Mort.

Taciturne, lord Ewald réfléchissait.

― La déduction est, en effet, spécieuse et profonde, murmura-t-il en souriant, mais je sens que je me trouverais toujours un peu trop seul en compagnie de votre Ève inconsciente.

― Moins seul qu’avec son modèle : c’est démontré. ― D’ailleurs, milord, ce serait de votre faute, non de la sienne. Il faut se sentir un Dieu tout à fait, que diable ! lorsqu’on ose vouloir ce dont il est question ici.

Edison s’arrêta.

― Puis, ajouta-t-il d’une voix bizarre, vous ne vous rendez pas bien compte, je suppose, de la nouveauté d’impressions que vous éprouverez dès la première causerie, au grand soleil, avec l’andréide-Alicia se promenant auprès de vous et inclinant son ombrelle du côté des rayons, avec tout le naturel de la vivante. ― Vous souriez ?… Vous croyez que, surtout prévenus, vos sens découvri-