Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/126

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ront vite le change que j’offre à la « Nature » ? ― Eh bien, écoutez : ― miss Alicia Clary n’a-t-elle pas quelque lévrier, quelque terre-neuve familier ? Voyagez-vous avec un chien préféré entre ceux de vos meutes ?

― J’ai mon chien Dark, un lévrier noir, très fidèle, et qui est de nos voyages.

― Bien. Cet animal, reprit Edison, est doué d’un flair si puissant que les êtres vivants viennent, pour ainsi dire, se peindre, en leurs émanations, au centre nerveux des sept ou huit cornées dont dispose son appareil nasal.

Voulez-vous tenir le pari que ce chien ― lequel reconnaîtrait sa maîtresse entre mille dans l’obscurité, ― si nous l’exilons huit jours de vos deux présences, et l’amenons, ensuite, devant Hadaly transfigurée en la vivante, ― voulez-vous, dis-je, tenir le pari que cet animal, appelé par le fantôme, accourra joyeux vers l’Illusion, la reconnaîtra, sans hésiter, au seul flairer des vêtements qu’elle portera ? ― Bien plus, étant données, simultanément, l’Ombre et la Réalité, je vous affirme que c’est après la Réalité qu’il aboiera, dans son trouble ― et que c’est à l’Ombre, seule, qu’il obéira !

― Ne vous avancez-vous pas beaucoup, ici ! murmura lord Ewald, déconcerté.

― Je ne promets que ce que je puis tenir ; l’expérience a déjà pleinement réussi : ― elle est un fait acquis à la Science physiologique. Si donc j’abuse, à ce point, les organes (supérieurs aux nôtres en acuité) d’un simple animal, ― comment n’oserai-je pas défier le contrôle des sens humains ?