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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/127

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Lord Ewald ne put s’empêcher de sourire devant l’ingéniosité bizarre de l’électricien.

― Et puis, conclut Edison, bien que Hadaly soit fort mystérieuse, il faut l’envisager, sans aucune exaltation. ― Songez : elle ne sera qu’un peu plus animée par l’Électricité que son modèle : voilà tout.

― Comment ! que son modèle ! demanda lord Ewald.

― Certes ! dit Edison. ― N’avez-vous jamais admiré, par un jour d’orage, une belle jeune femme brune peignant sa chevelure devant quelque grand miroir bleuâtre, en une chambre un peu sombre, aux rideaux fermés ? Les étincelles pétillent de ses cheveux et brillent, en magiques apparitions, sur les pointes du démêloir d’écaille, comme des milliers de diamants fluant d’une vague noire, en mer, pendant la nuit. Hadaly vous donnera ce spectacle, si miss Alicia ne vous l’a pas déjà donné. Les brunes ont beaucoup d’électricité en elles.

Après un instant :

― Maintenant, acceptez-vous de tenter cette incarnation, milord ? demanda Edison : Hadaly, ― en cette fleur de deuil, qui est d’un or vierge et pur d’alliage, ― vous offre de sauver du naufrage de votre amour un peu de mélancolie.

Lord Ewald et son terrible interlocuteur se regardèrent, muets et graves.

― Il faut convenir que voici bien la plus effroyable proposition qui fut jamais faite à un désespéré, dit à voix basse le jeune homme, presque se parlant à lui-même : ― et j’ai, malgré moi, toutes les peines du monde à la prendre au sérieux.