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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/130

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à nous deux, nous formons un éternel symbole : moi, je représente la Science avec la toute-puissance de ses mirages : vous, l’Humanité et son ciel perdu.

― Choisissez donc pour moi ! dit tranquillement lord Ewald.

Edison tressaillit.

― C’est impossible, milord, répondit-il.

― Enfin, ― à ma place, ― accepteriez-vous de vous risquer en cette inouïe, absurde et cependant troublante aventure ?

Edison, à cette parole, regarda le jeune homme avec sa fixité habituelle qui, cette fois, s’aggravait évidemment de la secrète arrière-pensée qu’il ne voulait pas exprimer.

― J’aurais, dit-il, d’autres raisons que la plupart des hommes pour motiver mon option personnelle, et je ne prétendrais pas qu’on dût se régler sur moi.

― Que choisiriez-vous ?

― Placé dans cette alternative, je choisirais l’issue qui me semble la moins dangereuse ― quant à moi.

― Quel choix feriez-vous, enfin ?

― Milord, vous ne doutez pas de l’attachement sacré, de la profonde et tendre affection que je vous ai voués ? ― Eh bien, la main sur la conscience…

― Que choisiriez-vous, Edison ?

― Entre la mort et la tentative en question ?

― Oui !

Terrible, le grand électricien s’inclina devant lord Ewald :

― Je me brûlerais la cervelle, dit-il.