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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/133

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― C’est fini, dit-il tout à coup.

Puis, observant lord Ewald :

Milord, ajouta-t-il, il va sans dire que, si vous le voulez, nous ne parlerons même plus du projet de tout à l’heure ?

Lord Ewald releva la tête : son œil bleu brilla.

― Vraiment, ce serait aussi par trop hésiter, dit-il simplement. Cette fois, j’accepte et d’une façon définitive, mon cher Edison.

Grave, Edison s’inclina.

― Bien, répondit-il. Je compte donc, milord, que vous me ferez l’honneur de vivre vingt et un jours, car j’ai une parole aussi, moi.

Accordé : mais pas un de plus ! dit le jeune homme, avec la glaciale et tranquille intonation d’un Anglais qui constate ― et qui ne reviendra pas sur son appréciation.

Edison regarda l’aiguille à secondes de l’horloge électrique :

― Je vous offrirai le pistolet, moi-même, à neuf heures du soir, au jour convenu, si je ne vous gagne pas la vie, dit-il. À moins que, pour vous détruire, vous ne préfériez recourir à notre récent prisonnier, le vieux tonnerre : avec lui, on ne se manque pas.

Puis, se dirigeant vers un téléphone :

― Et maintenant, ajouta l’électricien, comme nous allons entreprendre, à l’instant même, un voyage assez périlleux, permettez que j’embrasse mes enfants : car les enfants, c’est quelque chose.

À ce dernier mot, si maître de ses émotions que fût le jeune lord, il tressaillit.

Edison avait déjà saisi le cordon du téléphone