Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/149

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constituant, pour ainsi dire, sa personnalité, ― il est des instants de silence où, sans évoquer en elle ces heures sublimes, vous voudrez lui demander, simplement, telle ou telle chose.

Eh bien, en ces instants, assise ou étendue, elle se lèvera doucement si, lui prenant la main droite, vous frôlez la sympathique améthyste de la bague de l’index, en lui disant : « Venez, Hadaly ? » Elle viendra, mieux que la vivante. L’impression sur la bague doit être vague et naturelle, ― comme lorsque vous pressez doucement et d’un peu de votre âme la main du modèle. Mais cette intention n’est nécessaire que dans l’intérêt de l’illusion.

Hadaly marchera, devant elle et toute seule, sur la sollicitation du rubis placé au doigt médial de sa main droite, ou prenant le bras et s’y appuyant languissamment, elle suivra les mouvements d’un ami, non seulement comme une femme, mais exactement de la même manière que miss Alicia Clary. La concession faite, en ces bagues à sa machine humaine ne doit pas vous scandaliser. Songez à quelles autres prières, bien plus humiliantes, les amants accèdent, parfois, pour obtenir un pâle instant d’amour, ― à quelles hypocrisies Don Juan lui-même sait condescendre pour amener telle mauvaise grâce féminine à un semblant d’obéissance… Ce sont là les bagues des vivantes.

Au persuasif émoi de la bague de l’annulaire, la turquoise, elle s’asseoira. De plus, elle porte un collier dont toutes les perles ont chacune leur correspondance. Un très explicite Manuscrit, ― un grimoire très clair ! unique, en vérité, sous le ciel et dont elle vous fera présent, ― vous indiquera les