Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/159

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reux ! » Si nous transposons la question, si nous sortons de la sphère du Désir charnel, oh ! je m’exprimerai d’une tout autre manière. Si, entre les femmes de notre race initiatrice, ― les seules qui nous importent, puisque nous ne pouvons prendre au sérieux, c’est-à-dire choisir pour notre femme une Cafre, une Polynésienne, une Turque, une Chinoise, une Peau-rouge, etc., ― si, dis-je, entre celles de notre race qui n’ont plus dans leur sang de tenir du bétail et de l’esclave, nous parlons de ces femmes assainies, consacrées et justifiées par la dignité persistante du devoir, de l’abnégation, du libre dévouement, ― en vérité, je me trouverais bien étrange, moi-même, si je n’inclinais pas mon esprit devant celles dont les flancs, n’étant pas que des hanches, veulent bien se déchirer sans cesse pour qu’il nous soit permis de penser ! ― Comment oublier que palpitent sur ce grain stellaire, perdu en un point du Gouffre sans rives, ― sur cet invisible atome refroidi, ― tant d’élues du monde-supérieur de l’Amour, ― tant de bonnes compagnes de la vie ! Sans même nous rappeler les milliers de noms de ces vierges d’autrefois, souriantes, au milieu des flammes et dans l’acharnement des supplices, pour quelque croyance où leur instinct se transfigurait en âme par une sélection sublime, ― en passant, même, sous silence, toutes ces héroïnes mystérieuses, ― entre lesquelles rayonnent jusqu’à des libératrices de patries, ― et celles qui, traînées sous les chaînes, dans l’esclavage d’une défaite, affirmaient, tout expirantes, à leurs époux, en un doux et sanglant baiser, que le poignard ne fait pas de mal, ― en omettant même ces intel-