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II

Côtés sérieux des caprices


Au mot « argent » elle eut un regard qui passa comme la lueur du canon dans sa fumée.
H. de Balzac, La Cousine Bette.


― Continuez, dit lord Ewald, devenu très attentif, et après avoir fait raison à son interlocuteur.

― Voici mon opinion sur ces sortes de caprices ou de faiblesses, répondit Edison, ― (pendant que Hadaly, revenue, versait silencieusement du vin d’Espagne à ses deux hôtes, puis s’éloignait.) ― J’estime et maintiens qu’il est rare qu’au moins l’une de ces légères aventures (auxquelles on ne croit consacrer qu’un tour de cadran, un remords et une centaine de dollars), n’influe pas d’une façon funeste sur la totalité des jours. Or, Anderson était, du premier coup, tombé sur celle qui est fatale, bien qu’elle dût ne sembler, cependant, que la plus banale et la plus insignifiante de toutes.

Anderson ne savait rien dissimuler. Tout se lisait dans son regard, sur son front, dans son attitude.

Mistress Anderson, une courageuse enfant qui, se conformant aux traditions, avait veillé toute la nuit, le regarda ― simplement ― lorsqu’il entra, le lendemain, dans la salle à manger. Il arrivait. Ce coup d’œil suffit à l’instinct de l’épouse. Elle eut un serrement de cœur. Ce fut triste et froid.

Ayant fait signe aux valets de se retirer, elle lui demanda comment il se portait depuis la veille.