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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/189

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Anderson lui répondit, avec un sourire peu assuré, que, s’étant trouvé passablement ému vers la fin du banquet, il avait dû passer la nuit chez l’un de ses correspondants, où l’on avait continué la fête. À quoi mistress Anderson répondit, pâle comme un marbre : ― « Mon ami, je n’ai pas à donner à ton infidélité plus d’importance que son objet ne le mérite ; seulement, que ton premier mensonge soit le dernier. Tu vaux mieux que ton action, je l’espère. Et ton visage, en ce moment, me le prouve. Tes enfants se portent bien. Ils dorment là, dans la chambre. T’écouter aujourd’hui serait te manquer de respect ― et l’unique prière que je t’adresse, en échange de mon pardon, est de ne point m’y obliger davantage. »

Cela dit, mistress Anderson rentra dans sa chambre en étouffant, et s’y enferma.

La justesse, la clairvoyance et la dignité de ce reproche eurent pour effet de blesser affreusement l’amour-propre de mon ami Edward, ― piqûre d’autant plus dangereuse qu’elle atteignit les sentiments d’amour réel qu’il avait pour sa noble femme. ― Dès le lendemain son foyer devint plus froid. Au bout de quelques jours, après une réconciliation guindée et glaciale, ― il sentit qu’il ne voyait plus en mistress Anderson que la « mère de ses enfants ». ― N’ayant pas d’autre dévolu sous la main, il retourna rendre visite à miss Evelyn. ― Bientôt le toit conjugal, par cela seul qu’il s’y sentait coupable, lui devint d’abord ennuyeux, ― puis insupportable, ― puis odieux ; c’est le cours habituel des choses. Donc, en moins de trois années, Anderson, ayant compromis, par