Aller au contenu

Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dont l’erreur aurait si longtemps duré ! S’il a suffi, d’ores et déjà, de la fumée, initialement sortie de la fameuse marmite de Papin, pour obscurcir et troubler, en vos consciences, l’amour, ― l’idée même d’un Dieu, ― pour détruire tant d’immortelles, de sublimes, de natales espérances, ― tant d’antiques, foncières et légitimes espérances ! ― à quel titre prendrais-je au sérieux vos dénégations inconséquentes et vos entendus sourires de renégats, vos clameurs de morale, démenties chaque jour par votre vie ?

Je viens vous dire : Puisque nos dieux et nos espoirs ne sont plus que scientifiques, pourquoi nos amours ne le deviendraient-ils pas également ? ― À la place de l’Ève de la légende oubliée, de la légende méprisée par la Science, je vous offre une Ève scientifique, ― seule digne, ce semble, de ces viscères flétris que, ― par un reste de sentimentalisme dont vous êtes les premiers à sourire, ― vous appelez encore, « vos cœurs ». Loin de supprimer l’amour envers ces épouses, ― si nécessaires (jusqu’à nouvel ordre, du moins), à la perpétuité de notre race, ― je propose, au contraire, d’en assurer, raffermir et garantir la durée, l’intégrité, les intérêts matériels, à l’aide innocente de mille et mille merveilleux simulacres ― où les belles maîtresses décevantes, mais désormais inoffensives, se dédoubleront en une nature perfectionnée encore par la Science, et dont la salubre adjonction atténuera, du moins, les préjudices qu’entraînent toujours, après tout, vos hypocrites défaillances conjugales. ― Bref, moi « le sorcier de Menlo Park », ainsi que l’on m’appelle