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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/305

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voici l’atelier, l’illustre Any Sowana, n’en avez-vous pas entendu parler ?

― Oui, je crois… dit, à tout hasard, miss Alicia Clary.

― J’en étais sûr, dit Edison ; sa renommée a traversé les océans. Cette souveraine ciseleuse du marbre et de l’albâtre, disons-nous, est donc littéralement prodigieuse de rapidité ! Elle procède par des moyens tout nouveaux ! Une découverte récente… En trois semaines elle reproduit magnifiquement et avec une fidélité de rendu scrupuleuse les animaux et les humains. Et à ce propos, vous savez, n’est-ce pas, miss Alicia Clary, qu’aujourd’hui le monde, le haut monde s’entend, remplace le portrait par la statue. Le marbre est à la mode. Les plus puissantes dames seulement, ou les plus distinguées parmi les plus célèbres du monde des arts, ont compris, grâce à leur tact féminin, que la dignité et la beauté des lignes de leurs corps ne pouvaient jamais être shoking. En sorte que mistress Any Sowana ne se trouve absente ce soir que pour achever la statue en pied de la charmante reine d’O-Taïti, justement de passage à New York.

― Ah ? dit miss Alicia Clary, très étonnée : le grand monde a décidé, vraiment, que c’était convenable ?

― Et aussi le monde des arts ! dit Edison. N’avez-vous donc point vu les statues de Rachel, de Jenny Lind, de Lola Montès ?

Miss Alicia Clary parut chercher dans ses souvenirs.

― Je dois les avoir vues, en effet ?… dit-elle.