Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/306

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― Et celle de la princesse Borghèse ?

― Ah ! oui ; je me rappelle celle-là : je l’ai vue en Espagne, je crois : oui, à Florence ! interrompit, toute rêveuse, miss Alicia Clary.

― Une princesse donnant l’exemple, dit négligemment Edison, vous comprenez que la chose est devenue maintenant tout à fait reçue ! Les reines même n’y résistent plus. Lorsqu’une artiste est douée d’une grande beauté, elle se doit sa statue… même avant qu’on la lui élève ! ― Vous avez, sans doute, exposé la vôtre, miss Alicia Clary, dans les salons annuels de Londres ? ― Comment se fait-il que ce souvenir, capable, cependant, de frapper l’intelligence d’une admiration si naturelle, me soit échappé de l’esprit ! Je rougis de le dire, mais ― je ne me rappelle pas votre statue.

Miss Alicia Clary baissa les yeux.

― Non, dit-elle. Je n’ai que mon buste, en marbre blanc, et mes photographies. J’ignorais que…

― Oh ! mais c’est un crime de lèse-Humanité, s’écria Edison : ― et, de plus, au point de vue de cette réclame si indispensable aux véritables artistes, c’est un oubli grave. Je ne m’étonne plus que vous ne soyez point déjà de celles dont le nom seul est une fortune pour un théâtre, et dont le talent est hors de prix !

En proférant ces mots absurdes, l’électricien, de ses yeux clairs et calmes, envoyait comme une lueur vive au fond des prunelles de son interlocutrice.

― Il me semble que vous eussiez dû m’avertir