Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/308

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Garden ou de Drury Lane. Indispensable ! ― Voyez-vous, une magnifiquement belle statue de cantatrice, cela prédispose les dilettanti, désoriente la multitude et enlève les directeurs. Posez donc en Ève : c’est la pose la plus distinguée. Nulle autre artiste, je le gagerais, n’osera jouer ni chanter après vous, l’Ève future.

― En Ève, dites-vous, chez monsieur Thomas ? ― Est-ce que c’est un rôle du nouveau répertoire ?

― Naturellement, dit Edison. Certes, ajouta-t-il en souriant, ce sera sommaire, ― mais auguste, ce qui est l’essentiel. Et lorsqu’on est d’une beauté aussi surprenante que la vôtre, c’est la seule pose qui convienne à tous égards.

― Oui, je suis très belle ! c’est positif ! murmura miss Alicia Clary avec une mélancolie étrange.

Puis, relevant la tête :

― Qu’en pense milord Ewald ? demanda-t-elle.

― Mon ami, maître Thomas, vous donne un excellent conseil, dit lord Ewald, d’un air de nonchalance insoucieuse.

― Oui, reprit Edison : d’ailleurs, le grand art justifie la statue et la beauté désarme les plus sévères. Les trois Grâces ne sont-elles pas au Vatican ? Phryné ne confondit-elle pas l’Aréopage ? ― Si donc vos succès l’exigent, lord Ewald ne saurait être assez cruel pour élever une objection.

― Voilà qui est convenu, dit Alicia.

― Eh bien ! dès demain : soit ! Je préviendrai, vers midi, à son retour, notre immortelle Sowana, conclut l’électricien. Quelle sera l’heure à laquelle elle devra vous attendre, miss ?

― Mais deux heures, si cela…