Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/309

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― Deux heures ! très bien. Maintenant, le secret le plus profond ! ajouta Edison, un doigt sur les lèvres. Si l’on savait que je me consacre à vos débuts, je serais dans la situation d’Orphée parmi les bacchantes : on me ferait un mauvais parti.

― Oh ! soyez tranquille ! s’écria miss Alicia Clary.

Puis, se tournant vers lord Ewald :

― Il est très sérieux, maître Thomas, lui dit-elle tout bas.

― Très sérieux ! dit lord Ewald : c’est pourquoi mon télégramme a été si pressant.

On était au dessert.

Il jeta un coup d’œil sur Edison : celui-ci crayonnait quelques chiffres sur la nappe.

― Vous écrivez ? dit en souriant lord Ewald.

― Rien, murmura l’ingénieur : une découverte dont je prends note, à la hâte, pour ne pas l’oublier.

En ce moment, le regard de la jeune femme tomba sur l’étincelante fleur donnée par Hadaly, et que lord Ewald, par distraction, peut-être, avait encore à la boutonnière.

― Qu’est-ce que cela ? dit-elle en reposant son verre de liqueur des îles et en allongeant la main.

Edison, à cette question, s’étant levé, alla ouvrir la grande fenêtre du parc. Le clair de lune était admirable. Il s’accouda sur la balustrade, en fumant, le dos tourné aux astres.

Lord Ewald, à la question et au geste de la belle vivante, avait tressailli ; un involontaire mouvement pour sauvegarder la fleur étrange lui était échappé.