Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/322

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beaux pendants d’oreilles en diamant, des bagues et un bracelet, ― des flacons de parfum, des mouchoirs brodés de l’initiale H** et plusieurs autres objets de ce genre, ― enfin, toute une toilette féminine.

À cette vue oiseuse, nos agents, se sentant gagner par une véritable hébétude, formèrent cercle autour de la malle ― où chaque objet fut délaissé à sa place, sur un regard profond du chef. Puis, s’étant pris le menton dans la paume de la main, nos seigneurs firent une pause et une grimace, trouvant sans doute à leur déconvenue un arrière-goût saumâtre. Puis, comme affolés, se croisant brusquement les bras, en écartant leurs longs doigts rouges contre leurs flancs et haussant démesurément les sourcils, ils s’entre-regardèrent en silence, d’un œil méfiant. ― Puis, à moitié asphyxiés par la fumée des torches de leurs subalternes, ils se demandèrent, tout rêveurs, très bas, les uns aux autres, et avec des expressions butinées sur la flore même de leur langue « si, décidément, le papa du Phonographe se jouait d’eux ? »

Néanmoins, comme l’équipée tirait à conséquence, le chef, ayant humé une forte prise ― tout en avalant avec peine sa salive, ― leur intima l’ordre, à voix basse et entre deux de ces imprécations d’élite qui rappelèrent la horde au sentiment de la réalité, d’aller, avec la rapidité bien connue de l’éclair, rapporter le corps du délit à sa destination, et ce sous peine du lynch.

La horde se mit donc en marche en allongeant le compas. Arrivés à la grille d’Edison, ils y trouvèrent M. Martin et ses quatre joyeux collègues, qui,