Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/323

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d’un air avenant, et le revolver à douze coups aux poings, les remercièrent avec chaleur de la peine qu’ils avaient bien voulu prendre, se saisirent lestement de la caisse et rejetèrent la grille sur le nez de nos gentlemen, ― lesquels reçurent, en même temps, par la figure, le jet d’un éblouissant pinceau de magnésium parti du laboratoire de l’électricien qui photographiait ainsi, dans cet éclair, leurs trognes hirsutes, hispides et hyrcaniennes.

Une récompense honnête leur était due. Aussi, dès le lendemain, sur un télégramme circonstancié d’Edison et accompagné du portrait-carte collectif de ces parfaits compères (vue prise devant la grille), ― il échut à ces dignes personnages (sur une proposition du constable à laquelle ils s’empressèrent d’accéder) la bonne fortune de quelques mois de pénombre. Ceux-là même qui les avaient apostés les chargèrent affreusement devant le constable, à cause de la bénignité de leurs agissements, ― ce qui détendit de plus en plus les vigilances de la curiosité publique.

Que faisait Edison ? ― que pouvait-il avoir encore imaginé ? Des impatients rêvaient bien de loqueter la grille ! ― Mais l’ingénieur avait prévenu, dès longtemps, par la voie comminatoire des journaux, que, dès le crépuscule, il en laisserait divers points, dûment isolés, en correspondance avec un courant sérieux. De sorte que l’on passait au large, une fois le garde-fou circulaire établi. Quels gardiens, quels suisses, quels veilleurs valent, en effet, l’électricité ? Qu’on essaie de la corrompre ! ― alors surtout que l’on ignore même où elle est ! À moins de s’habiller en paratonnerres ou de por-