Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/40

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plus facile d’imaginer le Phonographe que ce temple-là ? ― Et les mécaniciens du roi Goudhéa, mort il y a six mille ans, et, qui, au dire des inscriptions accades, n’était fier que d’avoir porté si loin les progrès dans les sciences et dans les arts ?

― Et ceux de Khorsabad, de Troie, de Baalbeck ?

Et les Mages des anciens satrapes de Mycie ? Les physiciens lydiens de Crésus, qui lui changeaient des points de vue en une nuit ? Et les forgeurs de Babylone, qu’employa pour détourner le cours de l’Euphrate, Sémiramis ? Et les architectes de Memphis, de Tadmor, de Sicyone, de Babel, de Ninive et de Carthage ? Et les ingénieurs d’Is, de Palmyre, de Ptolémaïs, d’Ancyre, de Thèbes, d’Ecbathane, de Sardes, de Sidon, d’Antioche, de Corinthe, d’Hiérosolyme ?… Et les mathématiciens de Saïs, de Tyr, de la Persépolis brûlée, de Bysance, d’Éleusis, de Rome, de Césarée, de Bénarès et d’Athènes ? ― Et tous les conditionneurs de merveilles, apparus par milliers, au milieu de ces immenses civilisations antiques, ― de celles dont il ne restait pas même un nom, une pierre, une trace de fumée au temps d’Hérodote, ― où donc ont-ils eu l’esprit de ne pas inventer, d’abord, le Phonographe ? Au moins nous pourrions, aujourd’hui, prononcer exactement leurs langues ainsi que leurs noms. Tant d’autres noms, soi-disant immortels, ne sont plus pour nous que des syllabes n’ayant aucun rapport de son avec celles qui appelèrent les fantômes dont nous voulons parler ! ― Comment le monde a-t-il pu se passer du Phonographe jusqu’à moi ? Je m’y perds. Les savants des nations oubliées ressemblaient donc aux nôtres, qui ne sont bons qu’à constater, le plus