Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/51

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vous, cette lumière merveilleuse ? On dirait une après-midi d’été !

― Grâce à vous, mon cher lord.

― Vraiment, c’est un Fiat lux ! que vous avez dû prononcer tout à l’heure !

― Ma foi, j’ai découvert deux ou trois cents petites choses comme celle-là, je vous dirai : j’espère, même, ne point m’arrêter trop vite en ce chemin. Je travaille toujours, même en dormant, ― même en rêvant ! Je suis une sorte de Dormeur éveillé, comme dirait Shéhérazade. Voilà tout.

― Vous savez que je me sens fier, en vérité, de notre rencontre sur cette grande route mystérieuse ! Je finis par penser qu’elle était inévitable. Et, comme le dit Wieland, en son Peregrinus Protée : « Il n’y a point de hasard : nous devions nous rencontrer ― et nous nous sommes rencontrés. »

La secrète préoccupation du jeune lord, même au cours de ces affectueuses paroles, transparaissait. Il y eut un moment de silence.

― Milord, répondit soudainement Edison, ― eh bien ! à mon tour, permettez-moi de m’intéresser à vous à titre de vieil ami.

Lord Ewald reporta les yeux sur lui.

― Vous venez de parler d’une peine dont votre regard porte l’empreinte, en effet, continua l’électricien. Or, je ne sais comment vous exprimer, aussi vite, le désir que j’éprouve : mais, voyons ! ne vous semble-t-il pas que le poids des soucis les plus amers s’allège, partagé avec un cœur dévoué ? ― Sans autre préambule, voulez-vous en essayer avec moi ? Qui sait !… Je suis de cette race