Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/161

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verse et du tonnerre. Le Commandeur se croise les bras, comme se résolvant, en curieux, à l’impassibilité.

Toi, qui décrètes si volontiers la « démence » d’autrui, quelles preuves de bon sens nous as-tu données ! — Tu m’exhortais à « chercher fortune », t’offrant comme exemple à suivre : or, l’instant d’après, tu m’avouais ta ruine !… Avant de le prendre de si haut, que ne commences-tu par guérir ton entendement d’une prétendue sagesse qui ne sut te conduire qu’à de tels résultats ?

Mais non ; tu t’estimes un esprit trempé d’ « expérience », clairvoyant et fort, n’est-ce pas ? et tu penses pouvoir toujours mesurer, victorieusement, d’un sarcasme, l’effort des conceptions qui te sont inaccessibles, des sciences qui te sont interdites, des entretiens dont la beauté sereine et sévère, ne pouvant te sembler que stérile, te demeure à jamais ennuyeuse, c’est à-dire défendue.

Cependant, par quels si avantageux sujets de causeries remplaces-tu, si souvent, l’intérêt que comportent, peut-être, ces choses ? Par le grave examen des épices d’une sauce ou par des cantiques sur la saveur d’un pâté ! — Vraiment, pour insignifiant que puisse être, à ton juger, l’objet de mes études favorites, l’on ne voit guère en quoi j’ai dû, ce soir, tant gagner au change en t’écoutant.

Continuons. — Lorgnant on ne sait quels fan-