Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/75

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Les durs traits des rhingraves, les beaux fronts des aïeules de monseigneur Axel sont effacés ; les tapisseries sont devenues indistinctes.

Hartwig

Et cette armure d’airain, toute damasquinée d’or, conquise à la première croisade, par le prince Elciàs d’Auërsperg, chevalier d’Allemagne, sur l’émir sarrasin Saharil Ier, la voici toute rongée de rouille et le bois mort de la lance s’est rompu sous la moisissure.

Miklaus, grave

Ah ! je ne tiens pas à les fourbir ; c’est hanté, ici !

Les trois vétérans, maintenant debout autour de la nappe blanche et des lumières, apparaissent, éclairés, sur le fond confus des ombres qui tombent des voussures de la salle. Ce sont d’énergiques et soucieuses figures ; le grand âge et leurs occupations sédentaires dans le burg n’ont pas encore éteint la fermeté du regard. Une cicatrice terrible sillonne, du haut en bas, le visage de Gotthold ; — la manche gauche du gros veston militaire de Hartwig flotte depuis l’épaule, et le poignet vide en est cousu sur sa poitrine ; — vers la droite du front de Miklaus est creusé l’enfoncement d’une balle.
Et, autour d’eux, en effet, dans l’air de la salle, domine une impression de solennité extraordinaire : sans doute, ils la subissent, en évitant d’y trop songer ; elle aggrave leurs paroles et leurs silences.