Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/221

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auguste, couronné du laurier sanglant de Potidée ? le rhéteur puissant dont la parole inquiète l’éloquence des archontes ? le politique dont la duplicité confondit celle des Envoyés perses ? Que penser de toi, jeune homme divin ?… de toi, l’amant d’Aspasie ? — À ceux qui t’accusent pour tes royales richesses, tu les prodigues, en ta dédaigneuse vengeance. Tu ne te plies, toi le plus brillant des enfants d’Athènes, que sous ta volonté ! Vois, le luxe et le feu de tes débauches n’ont-ils pas interdit jusqu’au silence Tissapherne, le pâle satrape ? Et ta frugalité, plus tard, lorsqu’il te plut d’être sobre, n’a-t-elle pas étonné Diogène au point que le sombre chercheur d’hommes en laissa s’éteindre sa lanterne ? — Qui donc es-tu, sceptique sauveur de patries ? Tous t’admirent ! Moi-même, je m’illustre encore entre tes bras et ce sentiment féminin augmente la joie de mon amour. Athènes est aussi fière que moi d’Alcibiades ! Plus même, que de Périclès ! — Ainsi, je devrais être à jamais heureuse, ayant pour idéal que ton nom soit immortel, puisque, d’après tant de présages, il semble déjà ne pouvoir périr.

À ces paroles, un frémissant baiser de l’héroïque adolescent vint aspirer, sur la bouche radieuse d’Aspasie, les esprits de gloire et d’amour qui, dans le souffle enthousiaste de cette amante, s’envolaient, pareils aux effluves d’une fleur vive.

Elle reprit :

— Mais, connaissant la frivolité des hommes ingrats — et de quelles pâtures s’alimentent, dans