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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/23

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— Demander asile à cette image ? Non ! Jamais.

Le vieux juif était grave en ses croyances, et, bien que le danger pressât, bien que les idées modernes et les compromis qu’elles inspirent fussent loin d’être ignorés du morne chercheur d’Arche, il lui répugnait de devoir — ne fût-ce que le salut terrestre à… ce qui était là.

Sa silhouette, en cet instant, se projetant sur les eaux où tremblaient des reflets d’étoiles, eût fait songer au déluge. Il nageait au hasard. Soudain une réflexion sinistre et ingénieuse lui traversa l’esprit :

— J’oubliais, se dit-il en soufflant, (et l’eau découlait des deux pointes de sa barbe), j’oubliais qu’après tout il y a là ce pauvre de « mauvais larron !… » Ma foi, je ne vois aucun inconvénient à chercher refuge auprès de cet excellent Gesmas, en attendant qu’on vienne me délivrer !

Il se dirigea donc, tous scrupules apaisés, et en d’énergiques brassées, à travers les houleuses volutes des ondes et dans le beau clair de lune, vers les Trois-Croix.

Celles-ci, au bout d’un quart d’heure, lui apparurent, colossales, à une centaine de mètres, de ses membres à demi-congelés et ankylosés. Elles se dressaient, à présent, sans support visible, sur les vastes eaux.

Comme il les considérait, haletant, cherchant à discerner, à gauche, le gibet de ses préférences, voici que les deux croix latérales, plus frêles