Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/278

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ils s’installèrent aux alentours de la ville sur la lisière d’une immense forêt aux bords mêmes du Sirtang. Le radeau, cerclé de caisses d’air et de larges plaques de liège, était couvert de branchages et de feuilles : amarré contre l’endroit du rivage qu’il prolongeait de plain-pied, il semblait un îlot.

Pour motiver leur présence et gagner les regards favorables, ils avaient commencé, en simples chasseurs de fourrures, par détruire un couple de ces grands tigres longibandes qui, avec le rhinocéros, terrorisent ces régions. Puis, profitant des bonnes grâces que ce brillant début leur avait attirées, ils avaient su épier, distraitement, les habitudes, en forêt, de l’éléphant blanc et de son mahout. Ils s’étaient même acquis, en des occasions, quelque sympathie de l’un et de l’autre, par des signes de vénération et des présents. Donc, le jour où Mayëris jugea le moment opportun, toutes mesures étant prises, il disposa ses hommes pour l’embuscade.

L’éclaircie où l’on se tenait à l’affût, non loin du fleuve où l’éléphant venait boire aux clartés des astres, était presque toujours déserte, surtout la nuit. À travers les larges feuilles et les lianes pendantes des aréquiers géants, des mangliers, des palmiers-palmyres, les aventuriers aperçurent, au loin, les dômes aux stellures dorées, les flèches des temples, les marbres des tours de la ville consacrée à l’éternel Gadàma Bouddhà. Et, cette fois, le merveilleux de cette vision leur sembla menaçant ! L’antique