Aller au contenu

Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/376

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La fille de Gwalior, au dédain de tout regard en arrière, s’aventura sous les prolongements des salles funestes que formaient les intervalles des piliers, — et le froid des pierres multipliait la sonorité de ses pas.

Les derniers reflets de la mort du soleil, à travers les soupiraux — creusés, du seul côté de l’Occident, au plus épais des hautes murailles — éclairaient sa marche solitaire. Ses vibrantes prunelles sondaient le crépuscule de l’enceinte. — Ses brodequins de guerre, sanglants encore de la dernière mêlée (mais ceci ne pouvait déplaire au dieu qu’elle affrontait), sonnaient dans le silence. De rougeoyantes lueurs, tombées obliquement des soupiraux, allongeaient sur les dalles les ombres des dieux. Elle marchait sur ces ombres mouvantes, les effleurant de sa robe d’or.

Au fond, sur des blocs — entassés — de porphyre rouge, surgissait une formidable vision de pierre, couleur de nuit.

Le colosse, assis, s’élargissait en l’écartement de ses jambes, configurant un aspect de Sivâ, le primordial ennemi de l’Existence-universelle. Ses proportions étaient telles que le torse seul apparaissait. L’inconcevable visage se perdait, comme dans la pensée, sous la nuit des voûtes. La divine statue croisait ses huit bras sur son sein funèbre, — et ses genoux, s’étendant à travers l’espace, touchaient, des ceux côtés,