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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/58

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il avisa, naturellement, le socle où se dressait, dans une allée latérale, l’approximative reproduction de Shakespeare, et s’assit, tout auprès, en confrère, sur un banc.

Toute émotion rend expansives les natures exubérantes : l’ancien maire de la localité du centre, s’apercevant donc qu’un de ses voisins (français, à son estime, et selon toute apparence), paraissait aussi se recueillir, se tourna vers ce probable compatriote et, d’un ton dolent, laissa tomber, — pour tâter, comme on dit, le terrain, — quelques idées ternes touchant « l’impression presque triste que causait cette sinistre machine, à quelque opinion que l’on appartînt. »

Mais, ayant regardé avec attention son interlocuteur, l’excellent homme s’arrêta court, un peu vexé : il venait de constater qu’il parlait, depuis deux minutes, à l’un de ces passants trompe-l’œil si difficiles à distinguer des autres, et que MM. les directeurs des musées de cire se permettent, par malice, d’asseoir sur les banquettes destinées aux vivants.

À ce moment, lon prévenait, à haute voix, de la fermeture. Les lustres rapidement s’éteignaient et de derniers curieux, en se retirant comme à regret, jetaient des regards sommaires sur leur fantasmagorique entourage, s’efforçant d’en résumer ainsi l’aspect général.

Toutefois, son expansion rentrée, mêlée d’excitation morbide, avait transformé, de son choc intime, la première impression, déjà malsaine, en