Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/39

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advienne, et si vous voulez rester digne de votre ambition. Vous ne ressemblez pas à la plupart des jeunes gens de votre âge, sans cela j’eusse commencé par vous dire : « Mon cher comte, je n’ai pas de conseils à vous donner. S’il vous reste assez de santé et de conscience, dans un an d’ici, pour réfléchir sur vous-même et que j’aie le plaisir de vous retrouver encore, j’aurai peu de chose à vous apprendre. Vous aurez acquis, dans cette année d’étourdissements, le regard théorique de l’existence ; mais comme le sens de la vérité sera totalement ébranlé dans votre cœur, je vous souhaiterai du courage. Quant à présent, bien du bonheur et adieu. » J’eusse parlé de la sorte. Vous, mon enfant, je puis vous conseiller. Oh ! je comprends la jeunesse et je ne puis trouver fâcheux de se délasser quelquefois, de se laisser aller à jouir de ses vingt ans. On n’a vingt ans que peu de jours ; mais la vie importante est celle dont les actions ne troublent pas notre dignité, renforcent le sentiment sublime de notre espérance, nous donnent la sérénité intérieure et nous autorisent, par cela même, à prendre confiance dans la mort. C’est de