Page:Villiers de L’Isle-Adam - Le Nouveau-Monde, 1880.djvu/147

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LE NOUVEAU-MONDE 129 MISTRESS NOELLA , continuant Cependant les chants cessèrent. Accoudée et soucieuse, en son lit nuptial, la jeune châtelaine regardait son époux : le noble thaue, devant les grands miroirs des murailles, détachait son épée. Soudain la draperie fut écartée par un gantelet : c’était Ralph, la visière haute, cette fois. Fungh se retourna, le reconnut et, dans sa joie, lui ouvrit les bras. Mais le dur enfant, qu’effarait le démon, bondit — et se rua sur son père traîtreusement — et lui plongea, jusqu’à la crois, son poignard dans la gorge. — Fungh, saisi par la mort, tomba, portant, d’instinct, la main à sa blessure : puis, dans un geste de malédiction, incrusta ses doigts ensanglantés sur la face du fils odieux qui épiait son ago- nie. Ralph se redressa, sans chanceler, le cœur souillé par son forfait et le visage stigmatisé par le sang paternel. (Mouvement d’horreur dans l’auditoire.) Mistress Andrews, à elle mûne Oh ! vieille voix maudite ! Mistress Noella Meurtrissant alors, sur le fer de sa main, les deux poignets de la fiancée déjà veuve, il l’entraîna dans l’ora- toire, demi-nue, échevelée, les genoux ployés par l’épouvante — et voulut contraindre, sur l’heure, le chapelain du vieux manoir à bénir leur union sacrilège. (Un silence.) Bien que terrifié, le prêtre se raffermit devant l’autel et ne put proférer qu’un juste anathème. Ainsi fut consommé le coupable hymen ! — Et l’ombre vint sur leur race ! Et ils donnèrent le jour à une postérité de démons, — à une lignée de maudits, — de gentilshommes féroces qui se sont illus- trés, depuis, sur la terre, par leurs crimes et leurs sombres amours. Hélas ! Mistress Andrews, à part (Une main sur les yeux elle semble pleurer.