Page:Villiers de L’Isle-Adam - Le Nouveau-Monde, 1880.djvu/95

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l.t ; NUUVEAU-MONUK 77 Maud Allons avertir nos frères, Effîe ! D’autant mieux que voici bientôt l’heure où miss Moore descend de chez elle. Serait-il convenable de nous trouver, nous jeunes filles, en la compagnie de cette étrangère ? Sait-on de quelle église elle fait partie, seulement ? Les uns la prétendent métho- diste... EFFIE, après un silence méditatif Je la crois épiscopalienne. (Elles sortent.) SCENE VI MISTRESS ANDREWS, seule, puis RUTH et MARY, puis L’HOMME-QUI-MARCHE-SOUS-TERRE Mistress Andrews , de plus en plus perdue dans une rêverie sinistre Hâte-toi, Ruth Moore, de te mêler à la joie des cieux ! Edith Evandale protège encore ta vie. (Sourdement :) Ah ! que de fois pourtant, là bas, sur la terre d’Ecosse, — que de fois j’ai rêvé ta mort ! Mon cœur cédait à la vieille tristesse des landes, à l’odeur acre des bruyères, à l’inquiétude des grands pins !... C’était le pays natal. — Mais, ici, — rassure-toi ! — ta mort ne me suffit plus. (Elle s’asseoit, s’accoude et se parlant à voix basse : ) Lointaine, il t’aimerait ? Il faut donc que, face à face, il te méprise. La terre dévorât-elle ton corps, ton ombre lui serait toujours chère : il convient donc qu’il te maudisse , car mon sang craint les ombres — et je ne veux pas de ta pensée. C’est dans son cœur seul qu’il me plaît de creuser ta véritable fosse : là, le sable appesanti de l’oubli étouffera jusqu’à ton souvenir. (D’une voix presque indistincte et les paupières fermées :) Cependant, tu peux te glorifier d’avoir beaucoup fait souffrir la fille jalouse d’une sombre maison — et, quelque